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3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 19:54
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Drapeau de la Republique du Rif
Drapeau de la Republique du Rif

En 1921, la tribu berbère des Aït Ouriaghel de la région d'Alhoceima, sous la conduite du jeune Abdelkrim El Khattabi, se soulève contre les espagnols. Le général Sylvestre dispose alors d'une puissante armée forte de 60 000 soldats espagnols pour contrer les Beni Ouriaghel. En juin la presque totalité de cette armée trouve la mort dans la bataille d'Anoual. Face à ce désastre le général se suicide.

En février19*22 Mohamed Ben Abd El-Krim Khattabi proclame la République confédérée des Tribus du Rif pour former un état rifain amazigh politiquement independant de l'occupation españole et française du Maroc.

En 1925, Mohamed Ben Abd el-Krim Khattabi lance une offensive vers le sud contre les forces françaises du général lyautey qui sont battues sans difficulté et doivent se replier sur fes et taza. Paris envoie alors philippe petainen lui accordant les moyens qui avaient été refusés à Lyautey. Le « vainqueur de Verdun » allié au général primo de riverra lance une vaste offensive. Des armes chimiques larguées par avion furent massivement utilisées. Elle firent des milliers de mort et les séquelles perdurent encore aujourd'hui chez la population du Rif. Le conflit, extrêmement dur, pousse les hommes de Mohamed Ben Abd el-Krim Khattabi à demander à leur chef d'engager des négociations. Des pourparlers s'engagent à oujda mais, face à l'intransigeance des Français et des Espagnols, Mohamed Abd el-Krim Khattabi est contraint à la rédition.

Mohamed ben Abd el-Krim Khattabi est exilé à la reunion. En 1947, il est autorisé par le gouvernement français à se rendre dans le sud de la France ( côte d'Azur). Il ramène avec lui le cercueil de sa grand mère décédée en exil. Remontant de l'Océan Indien vers la Méditerranée par le canal de Suez, il est invité à faire escale par le roi Farouk. Il interrompt là définitivement son voyage, à la grande fureur des Français et décide de rester en Égypte. Au Caire devenue la capitale des nationalistes arabes et où on se presse de toute part même de Chine, pour le visiter, il restera jusqu'à sa mort en 1963.


Pour les révolutionnaires et les indépendantistes du monde entier la guerre du Rif reste aujourd'hui encore un modèle de guerilla et un symbole de la lutte contre le colonialisme.

 

Rif. Histoire d’une république éphémère

(Le mémorial du Maroc) Elle est née suite à la bataille d’Anoual et a vécu deux ans. En plus d’une armée, Abdelkrim y a instauré une Banque d’Etat, un fisc, des tribunaux. Mais l’expérience a tourné court.

La république du Rif a bel et bien existé même si l’histoire officielle du Royaume du Maroc ne semble pas trop y prêter attention. “Les Rifains avaient un territoire déterminé, un drapeau, une monnaie, une capitale (Ajdir), des institutions...”, confirment de nombreux historiens avant de spécifier que “la légendaire bataille d’Anoual (Juillet 1921) a été pour beaucoup dans l’avènement de cette république”.

Les tribus rifaines, emmenées par leur chef de guerre Mohammed Ben Abdelkrim, ont fait un massacre lors de cet affrontement avec les Espagnols, entre 19 000 et 20 000 morts dans les rangs de l’armée espagnole selon un rapport fourni aux Cortés. “Ce fut, dira Abdelkrim, une bataille d ’une folle sauvagerie qui tourna bientôt à la boucherie”. Dans son ouvrage, Abdelkrim, une épopée d’or et de sang, Zakya Daoud parle de “la plus grande catastrophe militaire de tous les temps pour l’armée espagnole”.

Une armée moderne, ce serait insuffisant

Abdelkrim, auréolé de cette impressionnante victoire, sait qu’il vient de franchir un point de non retour. Lui qui connaît très bien les Espagnols, pour avoir été élevé avec son frère à leurs côtés, ne se fait plus aucun doute “Ils voudront se venger et laver leur honneur”. Son entourage, vu les circonstances, semble inquiet et le lui montre. Même le Chérif Ouazzani, un grand chef de tribu, enthousiaste jusqu’alors, le lui fait dire : “Je suis d’avis que tu cherches à faire la paix avec les Espagnols pour le bien de ces Rifains incultes”. Il faut donc réagir. Dans le souci de défendre au mieux son peuple, il décide de remettre à niveau son armée. “Je vais m’appuyer en priorité sur les 39 000 ouriaghlis, (la tribu dont il est issu), et constituer, à partir d’eux et des meilleurs éléments des tribus, un corps de quelques milliers de réguliers”, ajoutant qu’“on ne peut mener cette guerre qui va s’intensifier, si l’on juge par l’ampleur des renforts espagnols débarqués à Melilla, avec les méthodes ancestrales des harkas, conduites par des chefs de tribu sans cohésion et qui se débandent à la moindre occasion”, Abdelkrim est conscient d’une chose : il faut aller plus loin que réformer l’armée. Assoiffé de modernisme - il qualifie à maintes reprises les Rifains d’arriérés culturellement et scientifiquement - il estime que le moment est venu de leur apporter tout le progrès qu’ils méritent. Il se met à imaginer un grand Rif moderne, riche en routes, écoles, trains... et arrive à la conclusion que le développement passe seulement par la création d’un Etat qui fusionnerait les ressources de toutes les tribus en une seule entité. Dans la même lignée, un rapport secret espagnol de l’époque stipule que Abdelkrim “rêve à la grandeur du peuple musulman et souhaite ardemment l’indépendance du Rif non encore occupé”.

L’Etat, une affaire de famille

Aussitôt, il réunit autour de lui sa famille et ses plus proches collaborateurs seulement, pour leur faire part de son dessein. Abdelkrim est connu pour ne pas faire confiance aux notables rifains, il se rabat toujours sur ses proches. Ces derniers lui font part de leur inquiétude, ne s’attendant aucunement à ce que le chef de famille arrive avec un projet aussi considérable. “Les tâches qui nous attendent sont énormes. J ’ai pensé créer une armée régulière que tu dirigeras Mhamed (son frère). Tu seras aussi mon délégué. Tu géreras avec moi le gouvernement que nous allons constituer et une assemblée unissant toutes les tribus, qui sera le parlement de notre futur état en même temps qu’un conseil supérieur. Toi Abdesslam (son oncle), tu te chargeras des finances. Azekane (son beau-frère), tu prendras en charge les relations extérieures avec Boujibar (son beau-frère). Je pense nommer le caïd Lyazid Belhaj Hamou à l’intérieur et confier la justice au Fquih Mohammed Ben Ali Elouakili, un homme intègre des Bent Taurine ou bien à Temsamani. Zerhouni sera chargé de l’instruction. Boudra s’occupera de la guerre”. Ainsi fut composé le premier gouvernement rifain. Une affaire de famille en somme dont Abdelkrim sera le président légitime. La majorité des tribus lui ont proposé après la bataille d’Anoual de l’élire comme chef. La République confédérée des tribus du Rif est ainsi proclamée, selon les uns et les autres, entre le 18 et le 21janvier 1923.

Soutien international à une république naissante

Les projecteurs du monde entier s’orientent instinctivement vers le Rif. Dans le monde arabo- musulman, Abdelkrim qu’on présente comme un nouvel Atatürk, devient l’idole des foules. A Londres, l’émir Chakib Arsalane le traite de héros d’une nouvelle Andalousie. D’Inde, Gandhi lui apporte également son soutien. “Il y avait naturellement un mouvement de sympathie, d’enthousiasme populaire aux quatre coins du globe et quelques tractations avec des états étrangers mais ça se limitait à cela. La République du Rif n’a pu avoir aucune reconnaissance de la part de pays tiers” nous apprend l’historien Tayeb Boutbouqalt. De son QG d’Ajdir où il est installé avec son gouvernement, dans un grand bâtiment blanc appelé l’Officina ou encore la Mahkma, Abdelkrim dirige son pays comme n’importe quel chef d’Etat de par le monde. D’après Zakya Daoud, “il y supervise tout, reçoit chaque mois des fonctionnaires, des caïds et des cadis. C’est là aussi que siège une fois par mois, sous sa présidence ou celle de son frère, l’assemblée constituée de 80 membres groupant les tribus et dont les pouvoirs sont exécutifs et législatifs”. Pour ce qui est de la forme de I’Etat en question, qui se dit républicain, il ne faut réellement y voir aucune forme précise de gouvernance. “Abdelkrim l’a bien dit (Les mots, République du Rif étaient sympathiques à des partis européens qui me soutenaient, Parti socialiste et communiste français, opposition espagnole et bien d’autres”. Une chose est sûre, l’idéologie qui l’imprègne est bien précise. L’état du Rif est islamique. Un islam moderne qu’Abdelkrim s’évertue à appliquer : il prohibe les mutilations corporelles, institue plutôt des amendes et des peines de prison au lieu de la loi du talion, abolit l’enlèvement des jeunes filles, protège la communauté israélite qui lui voue une extrême reconnaissance.

Les administrations d’une structure éphémère

Sur le terrain, les tribunaux fonctionnent normalement, des impôts sont collectés par des fonctionnaires, la State Bank of the Rif voit le jour, une constitution en 40 articles (brûlée lors de la prise d’Ajdir) est rédigée : l’état rifain prend forme. Ce qui dérange forcément les grands pays colonisateurs, dont essentiellement la France, l’Espagne et l’Angleterre, qui craignent que les Rifains ne deviennent une source d’inspiration pour d’autres. “Ce qui se joue là-bas, c’est toute la puissance coloniale de I ’Europe occidentale et surtout le destin de l’Empire africain de la France” dira par exemple Lyautey. Le 8 juillet 1925, les Français et les Espagnols se mettent d’accord pour écraser la révolte rifaine. Objectif qu’ils vont réussir à atteindre, après de nombreux combats entre, d’une part des Rifains fiers et courageux et d’autre part, deux des plus grandes nations du monde, décidées à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour arriver à leurs fins. Résultat, la mort de la République du Rif coïncide logiquement avec la capitulation d’Abdelkrim, le 27 mai 1926. Seulement, Espagnols et Français ont réagi tardivement, puisque la brève expérience rifaine servira réellement d’inspiration à la résistance marocaine, ainsi qu’à d’autres un peu partout dans le monde... jusqu’au Vietnam.

À droite : Mhamed ben Abdelkrim (délégué général de la république). Cet ingénieur de formation issu des écoles espagnoles est non seulement le frère du président de la république mais aussi son plus proche collaborateur et son homme de confiance. Il sera d’ailleurs son délégué général, dirigera l’armée et le gouvernement à ses côtés tout en étant à la tête des délégations qui iront à l’étranger notamment à Londres ou Paris pour des pourparlers.

À gauche : Abdesslam El Khattabi (ministre des finances). Oncle de Mohammed ben Abdelkrim. Il aura pour charge de s’occuper des finances de la république du Rif dont il sera le ministre. Il est avec Mhamed un desproches collaborateurs qui le suivront jusqu’en exil où il décédera en 1953.

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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 17:17
 
Auteur: tlemcani



LES RELATIONS JUDEO-ARABO-BERBERES, EN ALGERIE, AVANT L'OCCUPATION FRANCAISE DE 1830



Il y a deux ans environ, lors d'un colloque organisé à l'Université de Constantine, j'ai l'occasion d'échanger quelques propos avec une jeune algérienne dont l'âge révélait qu'elle n'avait connu ni les temps de la colonisation ni ceux de la guerre d'indépendance de 1954 en Algérie. Et, apprenant que je suis Juif originaire de Constantine, elle me fait savoir avec toute l'ardeur et la conviction de sa jeunesse qu'elle ne pardonne pas aux Juifs d'Algérie d'avoir quitté leur pays, en 1962 manifestant ainsi, selon elle, leur rejet de la situation créée par l'indépendance conquise. La scène se passe dans une vaste salle où des dizaines de personnes prennent leur repas si bien que la discussion sur les relations judéo arabo-berbères en Algérie ne peut s'établir sérieusement. C'est cette discussion que je voudrais reprendre ici, espérant que mon interlocutrice d'alors pourra en prendre connaissance et y trouver quelques éléments d'explication à sa remarque.



Les Juifs sont présents au Maghreb dès le III° ou même II° siècle



Tous les historiens qui se sont penchés sur la question reconnaissent actuellement l'existence d'une vie juive au Maghreb peu de temps après la destruction du royaume de la Judée antique par les armées romaines, au II° siècle de l'ère chrétienne. Après cette destruction, les Judéens s'éparpillent dans le monde méditerranéen y compris au Maghreb. Je me suis trouvé récemment à Constantine où j'ai pu observer au Musée de la ville trois dalles de pierres que sa directrice m'a assuré être des vestiges historiques de la région datant du III° siècle de l'ère chrétienne. Sur l'une de ces pierres, je peux lire, très clairement gravées en caractères hébraïques, les mots laïla hazé, termes signifiant en hébreu cette nuit. Et la directrice du musée, historienne de formation, de m'assurer que de telles découvertes ne sont pas rares dans la région voire dans toute l'Algérie.

Une pacifique cohabitation des Berbères et des Juifs

Les Juifs arrivant de Judée au Maghreb, n'y trouvent pas un pays désertique et inhabité. Des populations agricoles ou pastorales de culture païenne y sont déjà installées, les Berbères. Les Juifs, apportant avec eux les connaissances et les savoir-faire de toutes les grandes civilisations du Moyen Orient, deviennent vite, dans leur nouveau pays, les moteurs de l'expansion économique, politique et culturelle des tribus qui le composent. En leur sein, les conversions au judaïsme se font de plus en plus fréquentes. Si bien que, aux dires du grand historien arabe Ibn Khaldoun1, la Berbérie, au VII° siècle, devient un vaste territoire allant de Gabès à Tanger qui sera, un temps, unifié sous l'autorité d'un personnage hors du commun, relevant à la fois de l'histoire et de la légende, une femme surnommée la Kahena2, berbère et juive à la fois. En Berbérie, poussés par des besoins et des intérêts communs, Juifs et Berbères cohabitent ainsi pacifiquement et c'est une population soudée par leur entente à laquelle se heurtent les troupes arabes venues d'Orient au VIII° siècle pour établir une tête de pont à Kairouan, préparer la traversée des Aurès, vers l'ouest, et envahir le pays de la Kahena. Entourée de son peuple, celle-ci résistera trois années durant aux troupes arabes pourtant grossies par d'importants renforts mais finit par être vaincue et tuée au combat. Les Arabes occupent alors la totalité du pays.



Les relations entre Juifs et Arabo-Berbères, en Algérie, avant l'occupation française



Quelle est la situation économique, politique et sociologique des Juifs et des Arabo-berbères dans le Maghreb sous domination arabe3 avant l'occupation française, en 1830 ? Au fil des siècles, cette situation laisse apparaître certaines caractéristiques relativement stables. Si, au plan du vécu culturel, les cultes musulman et juif se séparent incontestablement les uns des autres4, au plan économique et social, les points de ressemblance sont nombreux. De part et d'autre, subsistent les mêmes clivages sociaux qui font se distinguer des classes de propriétaires, d'exploitants agricoles, de commerçants fortunés au dessus d'une masse populaire plus ou moins inculte et, qui, la plupart du temps, subsiste au jour le jour des maigres ressources d'un artisanat local, d'une agriculture archaïque et de besognes plus ou moins rémunératrices. Lors du fameux coup de l'éventail qui a servi de prétexte à l'invasion de l'Algérie par les troupes françaises, ce sont de riches commerçants juifs qui sont concernés5. Les grosses fortunes ne manquent donc pas, en cette période, parmi les Juifs. Chez les Arabo-Berbères, non plus. Plus tard, on connaîtra, entre autres, chez eux de riches propriétaires tels que les Tamzali, négociants en huiles, Bentchicou qui fit fortune dans le tabac et bien d'autres grandes familles. Mais, de la même façon, durant le même temps, chez les Juifs comme chez les Arabo-Berbères, la misère étend ses méfaits parmi les masses populaires, dans leurs quartiers des grandes villes, très souvent jouxtés les uns aux autres et où les architectures misérables ne le disputent qu'au manque d'hygiène et de salubrité.



Au plan politique, et, plus précisément, à celui des relations des personnes avec les autorités, la règle est celle de tous les états régis par l'Islam : si les musulmans jouissent du maximum de droits que rend possible le régime politique en place, il n'en est pas de même des non Musulmans, y compris des Juifs. Ceux-ci sont des dhimis, des individus qui, pour jouir de ces mêmes droits, doivent s'acquitter d'un impôt supplémentaire en sus de quelques restrictions mineures des droits telles que celui de monter à cheval, de porter certains types de vêtements, etc. Pourtant, en dépit de ces différences, la cohabitation entre les deux groupes, Arabo-Berbères et Juifs, ne présente pas de conflits majeurs. Mieux encore on y constate une similitude voire une identité des us et coutumes hormis, bien sûr, celles relevant de la pratique du culte : on s'habille de la même façon (hormis le port du voile qu'ignorent les femmes juives) ; on mange souvent les mêmes plats préparés de la même façon, on parle la même langue, une sorte d'arabo-berbère où se mêlent parfois des termes hébraïques ou d'origine hébraïque, on se réjouit à répéter les aventures du même modèle populaire, Djeha, et, surtout, on apprécie le même genre musical avec, principalement, dans les régions de Constantine et de Tlemcen, le célèbre Malouf. Les patronymes juifs et arabo-berbères sont souvent les mêmes ou dérivent souvent les uns des autres6. Ainsi, avant le décret Crémieux de 1870 qui fera des Juifs algériens des citoyens français, mon grand père, né en 1868, n'est pas français mais sujet algérien au regard de la France et dhimi à celui des autorités musulmanes. Ce qui ne l'empêchera pas d'entretenir avec son entourage français ou arabo-berbère les meilleures relations, la communauté de langue (concernant les seconds), d'humour et du même bleu du ciel parvenant à estomper souvent maintes différences.



Chapitre II


LE DECRET CREMIEUX DE 1870


Dans quel contexte est-il promulgué ?



Le 14 juin 1830, une escadre française débarque à Sidi-Ferruch, en Algérie, pour y mener une guerre d'occupation qui se terminera effectivement avec la rédition du chef algérien, l'émir Abdelkader, le 16 mai 1843.



Dès cette période, de nombreux Européens (surtout français, mais aussi espagnols, italiens et maltais) s'installent de bon – ou mauvais - gré - en Algérie où ils tirent profit d'une hiérarchie sociale faisant d'eux des conquérants et des possédants, face au petit peuple conquis et dépourvu de ressources des Arabo-Berbères. Les Juifs, eux, sont des indigènes algériens pour les Français, des dhimis pour les Musulmans et ce, jusqu'en 1870.



De 1830 à 1870, la France traverse une période relativement instable au plan politique. Le Second Empire qui succède à la République se termine par la défaite de Napoléon III à Sedan, l'insurrection de la Commune de Paris et la réaction musclée de Thiers contre les insurgés. Durant cette période, l'antisémitisme français s'accroît et trouve son point culminant durant l'affaire Dreyfus, en 1895.



Durant cette période, l'Algérie, elle, connaît tous les méfaits du colonialisme, les pouvoirs dont dépend sa vie aux plans économiques, politiques et culturels étant centralisés à Paris. L'administration du pays est de type politico-militaire et demeurera toujours fortement marquée par les courants d'extrême droite dont l'option antisémite se renforce de jour en jour. Le journal La juste parole qui en est l'organe connaît des tirages importants.



C'est dans un tel contexte que, au lendemain de la défaite de Sedan, le gouvernement provisoire de la république française promulgue, sur proposition du ministre Crémieux, un décret offrant la citoyenneté française aux Juifs nés en Algérie.



Pourquoi ce décret ?



Les causes de la promulgation du décret Crémieux sont nombreuses et se retrouvent aussi bien en France qu'en Algérie. En France, cette promulgation se fait presque en catimini. Ce n'est pas un gouvernement officiel et élu de la France qui en est l'auteur mais un gouvernement provisoire produit d'une défaite militaire. D'entrée, la droite française antisémite y est formellement opposée. Plus tard, Thiers, dès son accession à la tête de l'état, tente à plusieurs reprises de le faire annuler. Mais la gauche française et le rabbinat en défendent l'idée, la première probablement pour des raisons électorales7, le second parce qu'il considère le judaïsme algérien comme rétrograde.



En Algérie, les masses juives sont, certes, tentées par le niveau de vie matérielle des Français qu'ils côtoient mais le rabbinat est formellement opposé au décret. En effet, en échange de la citoyenneté française, celui-ci réclame l'abandon de tout statut particulier par les populations qui en bénéficieraient. Or, concernant les Juifs, particulièrement en ce qui touche à la vie privée (mariages, divorces …), les tribunaux rabbiniques ont, jusque là, conservé d'indéniables prérogatives. Donc, opter pour le décret soumettrait les nouveaux citoyens juifs au seul droit français et réduirait d'autant le pouvoir des rabbins. On comprend que, dés l'origine, lorsque le décret s'est présenté comme une simple offre de la citoyenneté française aux Juifs d'Algérie pris individuellement, à peine 5% d'entre eux y répondent favorablement. L'année suivante, le même décret se fera décision gouvernementale touchant la collectivité des Juifs d'Algérie qui ne peuvent s'y soustraire la France détenant le pouvoir juridique du pays. Ainsi, la citoyenneté française est octroyée automatiquement à toute personne juive née en Algérie (37000 Juifs) et aux autres populations européennes non françaises. Les Algériens musulmans, eux, demeurent des indigènes. Les Juifs nés avant 1870 sont naturalisés comme c'est le cas de mon grand père né en 1868. Mon père, par contre, né à Constantine en 1901, sera, de ce fait, automatiquement citoyen français.



La révolution des hiérarchies


En Algérie, les conséquences de l'application du décret Crémieux sont importantes surtout au plan des relations judéo françaises, d'une part, et judéo-arabo-berbères, d'autre part.



Au plan judéo français, l'antisémitisme de l'administration locale est, plus que jamais, attisé. Il arrive fréquemment que cette question soit le nerf conducteur de campagnes électorales de tous niveaux. Les milieux réactionnaires et antisémites ne peuvent voir d'un œil favorable que les Juifs algériens puissent jouir des mêmes droits qu'eux-mêmes8.



Au plan des relations judéo-arabo-berbères, la nouvelle situation fait apparaître une révolution des hiérarchies : les Juifs, jusque là dhimis, donc, en un sens, soumis aux autorités musulmanes, deviennent citoyens français et, de ce fait, d'une part, leur échappent, d'une autre, se haussent au même niveau que les maîtres du moment, les Français. Ils votent dans le même collège électoral qu'eux alors que les Musulmans, même pour élire leurs représentants à la future Assemblée algérienne, ne voteront que dans un collège distinct de celui des non-Musulmans. Et, surtout, - et c'est à, pour les Juifs, un facteur fondamental de leur évolution - les enfants juifs, en tant que français, vont à l'école laïque française9 où ils acquièrent une culture à la fois scientifique et littéraire dont l'immense majorité des enfants musulmans sont privés. Dans de telles conditions, très vite le clivage culturel entre Arabo-Berbères et Juifs va en s'accentuant. La culture arabo berbère, condamnée à la stagnation par absence de création et de transmission scolaire, se laisse distancer par la culture dont bénéficient désormais les Juifs. Au plan de son vécu, la vie sociale, jusque là présentait une hiérarchie au sommet de laquelle se situent les Français, suivis des Arabo-Berbères puis des Juifs. Désormais, il y a inversion des deux derniers termes de cette hiérarchie. Les Juifs précèdent les Arabo-Berbères10.



On peut voir dans la révolte du Bachagha Mokrani, qui éclate le 14 mars 1871, contre la France, l'une des manifestations algériennes s'opposant au nouveau statut des Juifs11.



Néanmoins, une cohabitation politique et culturelle positive



Il n'en reste pas moins que, malgré la révolution des hiérarchies, la cohabitation judéo arabo-berbère ne connaît toujours pas de conflits majeurs. Les liens économiques et surtout culturels entre les deux groupes résistent à toutes les tentatives de division12. On note, au plan politique, que, entre 1939 et 1942, sous le régime de Vichy, alors que les Arabo-Berbères auraient pu, dans une relative impunité, faire subir aux Juifs redevenus indigènes algériens donc privés des apports du droit français, toutes sortes de malversations et de sévices, rien de tel ne se produit. La coexistence entre les deux groupes se poursuit avec une sérénité persistante. Certes, phénomène courant dans toutes les sociétés pluriculturelles, des actes de nature raciste existe bien de part et d'autre, mais aucun conflit collectif grave n'éclate entre eux. Enfin, il semble que le décret Crémieux soit parvenu à "franciser" le corps social des Juifs algériens considéré dans son mode de vie, sans pourtant atteindre leur âme qui continue à vibrer à la même musique, aux mêmes équipes de football algériennes, à la même effervescence méditerranéenne faite à la fois de générosité et d'agressivité.



La déchirure historique des Juifs d'Algérie



De nos jours, quarante années après l'accession de l'Algérie à son indépendance, les Juifs d'Algérie émigrés en France vivent comme les Français, politiquement, juridiquement, matériellement. Mais se vivent-ils comme Français de la même façon qu'un Bourguignon, un Normand ou un Gascon ?



En premier lieu, il convient de rappeler que l'expression de pieds noirs ne peut être employée pour désigner les Juifs originaires d'Algérie. Les pieds noirs sont les descendants de tous les Européens – majoritairement français – qui, à partir de 1830, se sont installés en Algérie pour en faire une colonie de peuplement. Les Juifs, eux, sont présents dans le pays dès le II° ou III° siècle, donc bien avant les Français, les Turcs et les Arabes. Leur histoire n'est pas celle des pieds noirs.



Pourquoi les Juifs ont-ils majoritairement quitté l'Algérie - la plupart pour la France - lorsque le pays a accédé à son indépendance, en 1962 ? Nous l'avons déjà dit, leur situation était ambiguë : si de corps, de situation sociale, ils avaient épousé les normes françaises, leur âme, leurs us et coutumes, leurs affinités de vie les rattachent à l'Algérie. Mais, dès 1960, un problème se fait de première urgence en Algérie, celui de la sécurité des personnes. Les agissements de l'OAS13 créent un climat d'extrême tension où les exécutions sommaires deviennent monnaie courante pour tout Européen osant émettre une opinion autre que celle défendant "l'Algérie française". Un autre fait est déterminant en ce moment : l'exécution de Cheikh Raymond14, un chantre du malouf. Il semble que cet assassinat ait sonné comme le signal de départ des Juifs algériens.

C'est au plan sociologique que la déchirure des Juifs algériens émigrés en France apparaît avec le plus de clarté. J'ai pu moi-même mesurer, au hasard de conversations personnelles, à quel point est grand leur désir de revoir "la rue de la Révolution" d'Oran, "la Grande Poste" d'Alger, "la Brèche" de Constantine ou le "cours Bertagna" de Annaba. Les souvenirs qu'ils égrènent de ces lieux sont généralement douloureux, faits de scènes qui demeurent dans leur moi le plus intime. Mieux encore, il est très rare qu'un mariage ou une bar mitzva15 dans une famille juive originaire d'Algérie se déroule sans la présence d'un orchestre que l'on fait parfois venir d'Algérie même pour jouer des "airs du pays".



J'ai moi-même, ces dix dernières années, eu souvent l'occasion de me rendre en Algérie pour des raisons à la fois amicales et professionnelles. L'accueil que j'y ai reçu de la part de personnes de toutes catégories sociales a toujours été à la mesure d'une grande et totale convivialité voire amitié. Un fait est à souligner que j'ai pu vivre quotidiennement. Dans ce pays où la jeunesse fait près des ¾ de la population, une majorité de mes interlocuteurs n'ont connu ni les sévices de la colonisation ni les drames de la guerre d'indépendance. Entre eux et moi, les relations étaient celles d'une entre aide réelle et souvent chaleureuse. Aucune cause sérieuse de conflits !



Une de ces relations devenue un ami m'a, un jour, fait la remarque suivante : pourquoi ne demanderais-tu pas la double nationalité française et algérienne et, avec toi les Juifs originaires d'Algérie ? Ma réponse a été très nette : cela ne me dérangerait sûrement pas mais ne vaut-il pas mieux que les Juifs d'Algérie manifestent leur attachement à leur pays d'origine par des actes participant à sa progression sociale ? Et cette participation ne peut-elle se faire aussi bien de Paris que d'Alger, de Lyon que d'Oran, de Marseille que de Constantine ? L'écartèlement des Juifs originaires d'Algérie se transformerait, ainsi, en un lien nouveau entre Juifs et Arabo-Berbères, voire entre la France et l'Algérie.

Hubert Hannoun
Ancien professeur d'école normale à Constantine

Professeur des Universités d'Aix-Marseille 1 (France)



NOTES :

1 Voir : Ibn Khaldoun – Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale – Trad. Baron de Slane – Paris – Librairie orientaliste Paul Geuthner - 1927

2 On peut visiter actuellement près de Khenchela, ville des Aurès, dans l'est algérien, une très belle statue de plus de 3 mètres de hauteur, représentant La Kahena.

3 Nous comprenons dans cette période précédent la colonisation française durant laquelle les Turcs ont pris en mais la direction économique et politique du pays.

4 Je dois noter néanmoins les concordances des deux cultes telles que le monothéisme, la circoncision, le rejet de la viande de porc etc.

5 Deux commerçants juifs d'Algérie, Busnach et Bacri, avaient, en 1798, livré du blé à la France. En 1827, ils viennent réclamer le paiement de cette livraison au consul de France en présence du Dey d'Alger. Durant l'entretien, le Dey, prenant fait et cause pour les commerçants, assène un coup de son éventail au Consul.

6 Mon propre patronyme existe avec la même fréquence en milieu juif et en milieu berbère (Kabylie).

7 On peut citer, dans les motivations probables de la gauche française, le fait que les Juifs d'Algérie soumis à l'antisémitisme des cadres française d'Algérie voteraient en masse pour la gauche lors d'élections éventuelles.

8 Cette attitude se renouvellera entre 1939 et 1942, sous le régime de Vichy lorsque fut retiré aux Juifs d'Algérie la citoyenneté française. Le même courant réactionnaire se retrouve de part et d'autre.

9 Pratiquement la totalité des enfants d'origine juive sont scolarisés à l'école laïque française en 1960, alors que à peine 5% des enfants d'origine musulmanes le sont.

10 Un fait caractéristique, sur ce point, se situe au niveau de l'emploi des bonnes à tout faire au sein des familles : on note très souvent l'emploi de femmes arabo-berbères ou juives au sein de familles d'origine française, de femmes arabo-berbères au sein de familles françaises ou juives mais jamais de femmes d'origine française ou juive dans les familles arabo-berbères.

11 Sans préjuger des autres causes de ce soulèvement.

12 On ne peut manquer de signaler, ici, les émeutes antijuives du 5 août 1934 à Constantine et dans ses environs durant lesquelles 25 personnes juives furent massacrées par des Musulmans. Le fils d'une des victimes de ce massacre, Robert Attal, historien de son état, a pu reconstituer le déroulement de ce drame et démontrer qu'il a été sinon organisé du moins dûment fomenté par les autorités françaises antisémites locales. Lire sa publication : Les massacres de Constantine – 5 août 1934 – Paris – Ed. Romillat – 2000.

13 Organisation Armée Secrète, groupes de choc armés par l'extrême droite des européens d'Algérie.

14 Raymond Leyris, maître du chant judeo-andalou, qui est alors une figure emblématique de la musique constantinoise et qui est assassiné en plein quartier juif de Constantine en 1961. J'ai assisté à ses obsèques ; une foule énorme était présente composée d'autant de Juifs de d'Arabo-Berbères.

15 Bar Mitzva : cérémonie d'initiation du jeune juif de 13 ans à sa vie d'adulte.





tlemcani
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